Trop souvent vue comme un axe routier, une traversée de village peut prétendre à devenir un espace à part entière de la vie villageoise. Démonstration par Juliette Carré, paysagiste-conseiller au CAUE de l’Aude, en réponse à Brigitte R.*, maire d’un bourg rural.
B. R. : Malgré des ralentisseurs à l’entrée du village, sur la voie principale, les automobilistes roulent à toute vitesse. C’est dangereux pour les riverains et ça donne une mauvaise image du village alors que nous cherchons à attirer de nouveaux habitants. Un vrai casse-tête...
J. C. : Dans l’optique d’une requalification, l’enjeu va consister à passer d’un axe routier à une rue de village avec les qualités qu’on lui connaît, de convivialité, de rencontre. L’effacement de la seule fonction routière se fera au profit d’autres usages, tels des pas de portes attrayants, rendus possibles grâce à des espaces traversants, à des trottoirs de même niveau que la voirie où l’ensemble des usagers - piétons, cyclistes, personnes à mobilité réduite, automobilistes - cohabiteront pacifiquement. Dans certains secteurs stratégiques, on pourra rendre les piétons prioritaires en aménageant une zone de partage limitée à 20 Km/h. La recherche de qualité devra s’étendre au-delà de la traversée, dans les espaces adjacents, places, placettes, qu’il conviendra d’aménager avec la même gamme de matériau et de mobilier, pour un gage d’unité et de cohérence.
B. R. : Le souci, c’est que les riverains ont pris l’habitude de stationner le long de la traversée. Comment conserver du stationnement si l’on étend les zones piétonnes ?
J. C. : Si l’on veut gommer l’aspect routier, on ne peut pas doubler toute la traversée par du stationnement, surtout dans le cœur étroit du village. Je conseille de considérer cette question en en élargissant le périmètre de réflexion, et en regardant ailleurs dans le village. Il existe des solutions alternatives, telle une dent creuse dans le tissu ancien ou un parking existant à optimiser. On conservera bien sûr des places près des commerces, de la mairie, puis on compensera par des petites poches de stationnement à différents endroits du village. On considère que jusqu’à 400 mètres du domicile, le trajet domicile-parking reste très acceptable. Et puis déporter la voiture plutôt que la laisser sous les fenêtres, cela représente un gain en terme de cadre de vie et de valeur des biens privés.
B. R. : Pensez-vous que des arbres et de la végétation de long de la traversé rendrait notre village plus attractif ?
J. C. : C’est certain. La végétation contribue à l’embellissement et elle a aussi bien d’autres qualités. Elle contribue à la mise en valeur du bâti. Elle permet de tamiser les vues sur des éléments disgracieux (local électrique, poubelles…). Avec des bandes plantées, des massifs, on peut mettre à distance la circulation pour une plus value très supérieure à celle d’un mobilier urbain classique. On peut aussi s'appuyer sur la végétation pour sécuriser la traversée, en l'utilisant pour effectuer des resserrements, des pincements autour de la voie, par exemple, qui vont contribuer à faire ralentir les automobilistes.
Enfin, la végétation combat efficacement le phénomène d’îlot de chaleur dans le cœur très minéral d’un village. Les plantes grimpantes se prêtent très bien à des espaces contraints, un bord de voirie, un devant de façade, où elles apportent ombrage et respiration du sol.
B. R. : Je m’aperçois que le sujet est plus complexe qu’il n’y paraît... Pensez-vous que la commune puisse y arriver seule ?
J. C. : Une partie des travaux pourrait peut-être se faire en régie. Mais pour la phase amont de conception du projet, je vous conseille de faire appel à une équipe pluridisciplinaire mêlant différentes compétences, sans oublier le paysagiste-concepteur et/ou l'architecte qui sera à même de porter une réflexion globale et de tirer parti des atouts du village en respectant son caractère rural. Le CAUE peut vous accompagner dans cette phase en vous aidant à sélectionner l’équipe de maîtrise d’œuvre qui conviendrait à vos attentes.
Ci-dessous, schémas de principe pour la commune de Moux (extrait de la fiche-conseil du CAUE). De gauche à droite :
Secteur Mairie : Réduction de la largeur de route + création d'un parvis/terrasse pour la Mairie et le café + élargissement des trottoirs
Secteur commerces : Plateau traversant + caniveau central + plantations en pied de façade
Secteur entrée ouest : Plateau traversant + zones de plantation + réduction de la largeur de la route + élargissement des trottoirs
*Le nom est fictif, mais pas la situation. Cet article, premier d’une série sur les problématiques soulevées par les élus que nous rencontrons, vise à illustrer de quelle(s) façon(s) le CAUE accompagne les besoins des collectivités.
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Ci-dessous, en téléchargement, fiches-conseils pour les communes de Peyriac-de-Mer et La Fajolle, avec l'aimable autorisation des élu.e.s